07.09.18

Interview de rentrée dans Infos-Dijon

Le députe de la 1ère circonscription de Côte-d'Or signe sa rentrée avec une interview à Infos-Dijon dans laquelle il n'élude aucun sujet. L'affaire Benalla, Nicolas Hulot, les annonces d'Edouard Philippe, la réforme constitutionnelle, l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, les élections municipales de Dijon, le Modem dijonnais dans la majorité, la Cité de la Gastronomie… Le président du groupe En Marche au Conseil Municipal défend Emmanuel Macron et attaque la majorité de François Rebsamen.

L'été n'a pas été facile pour Emmanuel Macron. Peut-on dire que l'état de grâce est terminé ?
A mon avis, il n'y a pas eu d'état de grâce. Immédiatement après les élections, la nouvelle majorité et le gouvernement se sont mis au travail avec des textes importants et un budget de rattrapage, car on a hérité d'un budget insincère avec un trou de 9 milliards d'euros à combler. Une fois les grands sujets annoncés, les oppositions se sont aussitôt constituées, et on a vu que ce ne serait pas facile : la SNCF, l'équilibre budgétaire, la transformation du modèle agricole, etc.
Il ne s'agissait pas d'un état de grâce mais d'un crédit accordé à la majorité pour réformer, pour faire ce qu'on avait dit. L'opposé de l'état de grâce, c'est l'action dans la réalité, et on y est. On y a tout de suite été confronté.

La rentrée est quand même plus dure que les mois précédents…
Le printemps n'a pas été facile : Notre-Dame des Landes, la SNCF, etc. Mon constat en cette rentrée, c'est qu'il y a quelqu'un pour décider et une équipe au travail. Il a fallu procéder à des arbitrages. Le dernier en date est le prélèvement à la source : il y avait une décision à prendre, elle a été prise. Car il faut faire un premier pas vers la réforme fiscale annoncée maintes fois mais qui n'a jamais été amorcée.
 

N'y a-t-il pas un gros risque, à la fois technique et politique, à lancer coûte que coûte le prélèvement à la source dès 2019 ?
Dans la vie, les risques sont quotidiens. Il faut faire les meilleures vérifications et prendre les meilleures assurances pour s'assurer que ce qu'on a à faire est possible dans les meilleures conditions de sécurité. Il est vrai que cette réforme va bouleverser des habitudes, et je comprends l'inquiétude des chefs d'entreprise, qui imaginent qu'ils sont en première ligne. Mais en réalité, c'est simple : l'administration fiscale va communiquer un taux à l'entreprise qui l'appliquera sur la feuille de paie. Et il n'y aura pas d'effet d'aubaine car les revenus exceptionnels de l'année blanche seront pris en compte.
Quant à la phase de test, elle a permis de faire des tests et de corriger les bugs. C'est son rôle. Le pire pour un homme politique, c'est de se réfugier derrière des arguments techniques pour différer des mesures ou ne pas prendre de décision. On sait vers quoi on veut aller.

L'affaire Benalla n'a-t-elle pas durablement entaché l'image d'Emmanuel Macron ?
Elle a révélé les pratiques qu'il faut abandonner, dans tous les milieux : politiques, syndicaux, etc. Il y a des hommes et femmes qui émergent et petit à petit prennent la main sur ce qu'ils devraient respecter. Il y a déjà eu et il y aura d'autres affaires Benalla, dans tous les gouvernements. Il faut être vigilant.

Le problème de cette affaire est qu'Alexandre Benalla semble avoir été couvert par Emmanuel Macron. Et c'est ce qui a fait prendre de l'ampleur à cette histoire…
Oui, mais il y aura des points de contrôle et de vigilance pour éviter ça à l'avenir. Si Emmanuel Macron avait eu connaissance de tout, je pense qu'il aurait moins attendu pour s'en séparer. Il pensait que la sanction était appropriée.
On est dans une société ou une vidéo enflamme les réseaux sociaux et la classe politique. Et les oppositions s'emparent de ce feu de paille pour en faire une affaire d'Etat. Les mots employés étaient hors de proportion : "police secrète", "barbouzes", etc. Mélenchon n'a pas mis les gens dans la rue comme il le souhaitait, la droite est divisée, etc… C'était leur occasion à ne pas manquer pour bloquer un texte.
 

Justement, on vient d'apprendre que la réforme des institutions reviendra en hiver…
Là, il y a une question de calendrier des travaux avec des figures imposées : loi de finance, lois sur l'agriculture, sur le logement, sur les entreprises. C'est très chargé. La constitution, elle, peut attendre quelques mois. On n'est pas, avec la réforme constitutionnelle, dans l'urgence économique, sociale ou écologique.
Ce que l'opinion garde de cette réforme des institutions, c'est les lois organiques qui l'accompagnent : la baisse du nombre de députés et la limitation des mandats dans le temps.
Sur l'urgence sociale, l'économiste Joseph Stiglitz parle des salaires qui ne sont pas revalorisés, des monopoles en économie, etc. Il y a urgence à lutter contre la pauvreté. Le plan pauvreté va être présenté ce mois ci : il aura pour objectif de lutter contre une économie qui devient monopolistique au profit des géants, qui captent tous les bénéfices et toutes les plus values. Il y a un rééquilibrage à effectuer. Dans un premier temps, la priorité était de favoriser les actifs, par le travail. Maintenant, il faut apporter un soutien aux plus pauvres.
 

Sur ce sujet, il y a l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée de Laurent Grandguillaume. Doit-elle être étendue, comme il en est question ?
Oui, l'expérimentation doit être évaluée et étendue. Il y a aujourd'hui, à coté des dix territoires habilités, des territoires candidats. La philosophie, c'est que personne n'est inemployable, et qu'il faut créer de l'emploi pour ces gens.
Je suis favorable, dans le cadre du plan pauvreté, avec une loi et un fond d'amorçage, à étendre ce territoire. Dijon et les quartiers politique de la ville peuvent se lancer. J'étais samedi à l'université d'été de Territoires zéro chômeur de longue durée à Paris, à la mairie du 18e, avec Laurent Grandguillaume. Il est vraiment dans son élément en travaillant sur l'emploi pour tous. Il porte les valeurs qu'il a toujours portées.
 

Comment avez-vous ressenti l'annonce surprise du départ du gouvernement de Nicolas Hulot ?
C'est la première fois qu'un ministre d'Etat démissionne ainsi. C'est un homme sincère, passionné, de conscience, et forcément tourmenté par les choses qui ne vont pas aussi vite qu'il l'espère. Il faut en tirer les conséquences politiques et les orientations pour la transition écologique. La conséquence politique, c'est que quand on a un homme de la société civile en responsabilité, on n'est pas à l'abri de ce genre de réaction.
 

Donc François De Rugy est le bon remplaçant ?
C'est un militant écologiste, et il a un bon parcours politique : il ne sera pas la proie de ses propres états d'âme. Il saura permettre de nouvelles avancées. Mais il faut convaincre tout le monde et emmener tout le monde avec soi et apporter des solutions. Un ministre a des convictions mais il doit trouver les moyens de peser avec les arbitrages. Avec François de Rugy, on a quelqu'un qui va tenir la barre. Le cap est fixé, il a la solidité et la constance pour agir dans la durée.
 

Le départ de Laura Flessel est quant à lui plus problématique…
Je ne sais pas quelles sont les raisons, mais je trouve bien qu'un joueur demande au coach de sortir de la partie quand il sent qu'il peut poser problème. Sa remplaçante, Roxana Maracineanu, a un beau parcours. Elle devra porter Paris 2024, mais pas seulement : il y a la question de la parité dans les instances du sport. Dans le sport, il y a une vraie captation par les hommes des postes de dirigeants.
 

Votre absence lors du vote sur la sortie du Glyphosate vous a été reprochée. En tant que co-rapporteur de la mission, n'auriez vous pas dû être présent ?
Personnellement, mon absence, est dûe à un concours de circonstances. L'amendement est arrivé dans la nuit. S'il était arrivé le lendemain matin, j'aurais été là. Mais je rappelle que c'était un amendement du groupe LREM, que nous assumons parfaitement.
Ma mission consistait à souligner les alternatives possibles et qu'il fallait prendre rapidement. Maintenant, le cap et les objectifs sont bien donnés.
Je viens d'intégrer une nouvelle mission : le comité de suivi du plan de sortie du glyphosate dans les trois ans. L'objectif premier de la loi est la qualité alimentaire et la fixation du juste prix aux producteurs. Mais entre temps sont apparues les questions du bien être animal, des produits phytosanitaires, etc. A partir de là, il fallait travailler à la mise en œuvre de la sortie, mais ce n'est pas la loi qui la fixe : il nous apparaissait nécessaire d'apporter les moyens et les solutions pour parvenir à l'objectif du Président. Pourquoi les braquer avec une interdiction alors que nous avons besoin de toute leur coopération. D'ailleurs, le message est passé car la FNSEA a, dans la foulée, publié un contrat de solutions pour y parvenir.
 

Les mesures annoncées par Edouard Philippe dans le JDD le 26 août n'ont pas été bien reçues : la non-indexation sur l'inflation de la hausse des pensions de retraite, la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires, la suppression de 4.500 postes de fonctionnaires, la poursuite de la réduction des contrats aidés…
Il y a deux priorités : le redressement des comptes publics et la relance des actifs. Donc il faut faire attention aux dépenses, d'autant que c'est une année importante, lourde budgétairement : il y aura une double facture pour l'Etat en ce qui concerne les entreprises car on réduit leurs charges et on leur rembourse en forme de crédit d'impôt. Ce sera sur un exercice unique, mais ce n'est pas rien.
 

Les retraités sont mécontents aussi…
Je comprends leur réaction. Après, si on regarde la situation des français dans l'OCDE, on se rend compte qu'elle n'est pas mauvaise : ils ont les revenus parmi les plus élevés et les touchent le plus longtemps. Je leur demande de se comparer aussi par rapport aux autres. Et je rappelle que ce n'est ni un gel ni une baisse.
Edouard Philippe a pour objectif de faire baisser la dette, la dépense publique et le déficit, et de réduire les prélèvements obligatoires. Ça ne fait pas plaisir aux retraités mais ça va soulager les futurs retraités.
Plan anti pauvreté, dédoublement des classes de CP, relève des minimas sociaux, allègement charges des entreprises, suppression de la taxe d'habitation… pour faire ça, il faut trouver des moyens. Sans compter que la France est toujours menacée et qu'il y a un niveau très élevé de sécurité à financer et à assurer.
Pour cela, le gouvernement bénéficie d'une très forte adhésion des parlementaires. On ne risque pas une fronde, la majorité ne se divisera pas sur les objectifs qui sont fixés et ne changent pas. Cette solidarité de la majorité est un atout très important pour Edouard Philippe. Il est normal d'être fidèle aux engagements puisqu'il y est fidèle.
 

Serez-vous candidat aux prochaines élections municipales à Dijon ?
Ce n'est absolument pas le moment de se déclarer ou de se proposer. Aujourd'hui, le moment est à l'écoute, au dialogue, aux idées, que tous puissent s'exprimer dans leurs attentes pour 2020, et à partir de là, on construira un projet. Je prendrai mes responsabilités le moment venu. Il y a des débats et des enjeux, il faut en prendre la mesure. Il faut construire le projet et la prise de responsabilité viendra après.
 

Le Modem est resté dans la majorité de François Rebsamen lorsque vous avez créé le groupe municipal de La République En Marche. Le regrettez-vous ?
Ils sont dans ce qu'on peut appeler la "maison commune". Il y a LREM et nos alliés. Moi, ce que j'attends du Modem local, c'est qu'il prenne son indépendance comme nous l'avons fait face à un discours de la majorité municipale qui attaque sans cesse le gouvernement.
On a entendu le maire, le vice-président de la Métropole et le responsable socialiste de Dijon tirer à boulet rouge sur la politique gouvernementale. Le modem doit prendre ses distances par rapport à ce discours. Ou est leur maison commune ? 
 

Sur le discours, il y a souvent, partout, une ambiguité, une différence entre les enjeux locaux et nationaux…
Oui mais la politique locale est entachée par ce discours anti-gouvernemental. Nous avons fondé ce groupe pour ça. Nous défendons les mesures actuelles car elles sont bonnes pour Dijon. Favoriser le tissu économique, dédoubler des classes, etc. Critiquer tout ça ne va pas dans le sens de l'intérêt général de notre Métropole. Les élus Modem doivent sortir de l'ambiguité, y compris à leurs dépens. Ils devront supporter le cout de leur liberté.
 

Cette position vous a poussé à ne pas voter le contrat entre la ville et l'Etat. Ça peut sembler paradoxal puisque vous soutenez cette contractualisation.
J'étais contre les méthodes employées, mais il n'y a pas de problème car nous avons voté à la métropole. C'est la technique politicienne de l'argumentation qui était regrettable.
 

Le retour de François Rebsamen change-t-il la rentrée politique à Dijon selon vous ? 

D'abord, je me réjouis de son retour. Qu'il revienne rapidement montre qu'il a retrouvé la santé, et je m'en réjouis.
Mais cela atteste aussi qu'il ne voit pas dans son entourage socialiste quelqu'un d'évident pour passer le relais maintenant. D'abord, il n'a pas lâché, il est resté maire et président, et il garde les rênes dans sa main. Ce serait un service qu'il pourrait rendre à ses successeurs de les installer avant les élections. Il avait la possibilité de passer le relais, mais il pense sûrement qu'il n'y a personne d'autre que lui pour exercer. 
 

Mais il a de grands projets en cours de réalisation…
La cité de la gastronomie est un beau projet, mais qui ne sera pas inauguré avant la fin du mandat. Ils vont envelopper ça en communication, mais c'est un projet bloqué. Les différents recours qu'a subit le projet sont un beau prétexte. Les panneaux ont été posés sur l'autoroute, mais c'est juste une promesse non tenue aujourd'hui. C'est contre-productif. Beaune a déjà inauguré son centre d'interprétation sur les climats de Bourgogne. A Dijon, il n'y a rien à part des panneaux. 
Les recours cachent d'autres problèmes, ceux d'un projet mal conduit, sans efficacité. Ce sera un caillou dans la chaussure de François Rebsamen. On nous proposera une première pierre courant 2019, mais on ne voit pas quand il pourrait y avoir une vraie inauguration de la Cité de la Gastronomie.
 

Recueilli par Nicolas Richoffer
Photo N.R.

http://www.infos-dijon.com/news/cote-d-or/cote-d-or/didier-martin-ce-que-j-attends-du-modem-local-c-est-qu-il-prenne-son-independance-comme-nous-l-avons-fait.html

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