30.11.18

Des Gilets Jaunes face à deux députés de Côte-d'Or : «Il faut geler les hausses de taxes pour commencer à discuter vraiment»

Un groupe de cinq Gilets Jaunes a interpellé ce vendredi soir les deux députés de Côte-d'Or Fadila Khattabi et Didier Martin. Ils ont échangé pendant plus d'une heure, plaidant pour plus de pouvoir d'achat et expliquant leur situation aux élus qui ont défendu les mesures du gouvernement. [sources : Infos Dijon et France 3 Bourgogne]

 

C'était un dialogue difficile. Courtois, poli, mais franc des deux cotés, et donc finalement, presque deux monologues. D'un coté, cinq Gilets Jaunes venus interpeller les députés Didier Martin et Fadila Khattabi, à la permanence dijonnaise de cette dernière. Et de l'autre, deux élus de la République En Marche, convaincus que les mesures prises par le gouvernement depuis le début du quinquennat serviront le pouvoir d'achat de tous les Français. Deux élus à l'écoute, mais qqui n'étaient pas en mesure d'annoncer quoi que ce soit. Chacun le savait bien au cours de la conversation, c'est à Emmanuel Macron d'annoncer quelque chose de fort, pour espérer apaiser les Gilets Jaunes, qui entament ce samedi leur troisième semaine de mobilisation, partout en France.
 

«Les banques doivent aussi jouer le jeu»


Ce vendredi soir donc, cinq Gilets Jaunes sont venus mettre les deux députés face à la réalité de leurs vies quotidiennes : «Je travaille mais je suis intérimaire» raconte l'un d'entre eux. «J'ai dû faire un crédit pour m'acheter une voiture mais quand elle est tombée en panne, j'ai été obligé de pleurer auprès de ma banque, et même de faire le serpent, pour pouvoir payer les 4000 euros de réparation». «Les banques doivent aussi jouer le jeu» répond Fadila Khattabi.

«On veut tous une voiture qui pollue moins, mais encore faut-il pouvoir se la payer. Moi je ne peux pas» poursuit un autre participant à la rencontre. «Et le co-voiturage, c'est compliqué à organiser quand on a des enfants. Sans compter qu'entre l'école et le boulot, on ne peut pas se permettre de se faire planter par le voisin».

Rapidement, la discussion tourne autour de la vie quotidienne de ceux qui sont au coeur de la précarité de l'emploi, qui font face au mur de la recherche («quand on n'est pas qualifié, on ne nous recrute pas, et quand on l'est, on nous dit qu'on est trop cher»), de la difficulté à envisager une reconversion professionnelle. Fadila Khattabi fait la promotion de la future loi Pacte, qui va «apporter des réponses», «qui supprimera le forfait social pour que les entreprises redistribuent de l'intéressement aux salariés».
 

«On nous taxe de tous les cotés et en même temps, le service public se meurt»


La députée de la 3e circonscription de Côte-d'Or rappelle aussi qu'une loi a été votée pour faciliter la formation. «Chacun a droit à 500 euros de crédit par année de travail, cumulable sur 10 ans. Ça monte même à 800 euros si vous n'avez pas de diplôme». Les manifestants l'ignoraient. «De toute façon, ce dont on a besoin, c'est de mesure à court terme pour nous donner de l'air».
Un autre prend la parole : «on nous taxe de tous les cotés et en même temps, le service public se meurt. Les hôpitaux, les pompiers, les policiers, etc… Et puis le ruissellement, on ne l'a jamais vu».

Fadila Khattabi essaie d'être positive : «Le travail revient, on le voit. Notre but, c'est de faire revenir l'activité».
Didier Martin poursuit : «Sur les prélèvements, c'est vrai que la France a le record européen, avec 48,6% du PIB. Mais la retraite, la sécurité sociale, etc… ce sont des dépenses qui vont directement à la population. Au premier janvier prochain, on met en place le reste à charge zéro pour permettre à chacun de se soigner les dents, les oreilles et les yeux».

«D'accord, mais vous faites quoi de concret contre l'évasion fiscale» lance un Gilet Jaune. «Ça fait du mal à toute la France, à l'économie, à l'écologie. Et sur la concurrence des travailleurs étrangers sur les chantiers aussi. Les entreprises ne peuvent pas s'aligner». Didier Martin répond : «Emmanuel Macron s'est attaqué au problème des travailleurs détachés».
 

«On voit bien les problèmes, on sent le malaise»


Fadila Khattabi se dit «prête à écouter et à faire remonter» et assure : «on voit bien les problèmes, on sent le malaise». «Vous, les élus locaux, peut-être» répond un Gilet Jaune. «Mais au sommet, ils sont complètement déconnectés. Ce qui ressort des émissions de télé, c'est toujours du mépris. Et ils achètent de la vaisselle à 500.000 euros…»
Didier Martin tente de justifier l'épisode de la vaisselle par «le besoin d'excellence quand le Président reçoit des chefs d'Etat». «Mais il n'y a pas que ça» enchaîne un manifestant : «Supprimer l'ISF, c'est un message pour nous aussi». Fadila Khattabi justifie la mesure : «Le choix a été de taxer l'immobilier mais pas le capital pour qu'il puisse être réinvesti en France».
«Ils ne le font pas» s'emporte un Gilet Jaune. «Ils font de l'optimisation fiscale, mais les cadeaux que vous leur faites, on ne les voit jamais redescendre jusqu'à nous».

Didier Martin assure que les députés et le gouvernement travaillent «à apporter des solutions». «Mais c'est vrai qu'il y a un problème de souffrance aigüe». «Qu'est ce qu'il faudrait, maintenant, pour vous satisfaire ?» «Il faut geler les hausses de taxes pour commencer à discuter vraiment» répondent les Gilets Jaunes. Chacun a convenu de se revoir «dans quelques mois» pour «voir ce qui aura bougé». 

Nicolas Richoffer

 [source : Infos Dijon ]

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